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Au revoir Johan

Bonjour Johan,

 

Je sais, ce n’était pas le deal. Qu’est-ce que nous faisons là ?

Nous nous étions mis d’accord tous les quatre, Julien, Julie, toi et moi. Nous avions pris le temps de bien les décrire, les rôles de chacun, avec exactitude, pour être certain de ne pas se froisser les uns et les autres. A quel moment nos actes dépassent-ils notre propre discrétion ? Quand doit-on lever la main pour avertir de sa détresse ? Comment lire justement la faiblesse de son prochain sans jamais la juger ? Pardon Johan, mais aujourd’hui nous ne pouvions faire autrement qu’être là. Ici à Vercheny avec toute ta famille, tes proches pour dialoguer encore une fois avec toi. 

Tu nous as rejoint il y a 3 ans pour intégrer l’équipe de la préparation des commandes. Tes collègues sont tous là, Johan. Ils sont là par ce que tu es parti trop vite et qu’ils souhaitent venir à toi encore une dernière fois. En 3 ans nous avons gravi bien des sommets ensemble. Tels une cordée, nous avons pas à pas franchi d’incroyables rimayes. Sur les crêtes vertigineuses qui surplombent nos quotidiens, nous avons fait face ensemble à ces bourrasques sans faiblir. Ne nous mentons pas, certaines excursions étaient bien aventureuses. Nous avancions parfois dans le brouillard le plus complet, sans boussole, tant tôt plein sud tant tôt plein nord. Nous avancions… Au final nous étions toujours ravis de retrouver la vallée. Retrouver les gros murs solides de paille à l’Herbier, retrouver le réconfort sans faille de ta famille. 

Les montagnes silencieuses et robustes te nourrissaient. Notre insignifiante petite taille dans ces décors majestueux t’inspirait certainement cette discrétion. Que sommes-nous finalement ? Un souffle, une respiration, un songe, si peu. 

Ce rien pourtant, cet infiniment petit, cette petite chose que l’on devine, ce langage de tes yeux restera gravé, indélébile au plus profond de nous. Tous tes collègues de l’Herbier garderont en mémoire ton grand regard qui racontait tant de toi. 

Les pentes raides de la montagne t’ont englouti. Une avalanche assourdissante dont seule la nature connait le secret t’a emporté. Tu nous laisses bouche bée avec ton silence, Johan. Là on te reconnait.